Station de pipetage sur mesure : une vision pour améliorer l’accessibilité des laboratoires

(Source de l’image : Richard Blenkinsopp)

Michael Babechuk, Ph. D., est géochimiste au département des sciences de la Terre de la Memorial University de Terre-Neuve-et-Labrador. Son groupe de recherche se concentre sur l’étude des éléments traces qui se sont déplacés dans la boue ou l’eau, pour comprendre la façon dont la surface, le climat et la composition atmosphérique de la Terre ont évolué au cours des périodes géologiques. Gabriel Sindol était étudiant à la maîtrise au laboratoire de M. Babechuk et travaille maintenant comme géologue d’exploration minérale. C’est sa passion pour la géologie qui l’a amené à communiquer avec M. Babechuk, pour en apprendre davantage sur le minerai de fer.

Lorsqu’ils ont commencé à travailler ensemble, il est devenu évident que les exigences du travail en laboratoire posaient des difficultés pour M. Sindol, qui est né avec une rétinopathie des prématurés, qui l’a rendu aveugle d’un œil et extrêmement myope de l’autre. L’utilisation d’une pipette pour transférer des liquides, tels que des acides, en toute sécurité et avec précision d’un récipient à un autre était une tâche difficile pour lui, mais M. Babechuk et lui ont vu dans cette situation une occasion de concevoir une station de pipetage plus accessible.

Nous nous sommes entretenus avec MM. Babechuk et Sindol pour connaître leur expérience et les leçons qu’ils ont apprises.

Gabriel, comment en êtes-vous venu à travailler dans le laboratoire de M. Babechuk?

Je voulais travailler sur un projet de recherche, en particulier étudier les formations de minerai de fer. J’ai terminé mes études secondaires dans les villes jumelles de Labrador City et de Wabush, où l’on exploite le minerai de fer, et j’étais curieux d’en apprendre plus sur la formation des gisements de fer de la région. J’ai simplement rencontré Mike et je lui ai demandé s’il avait un projet sur lequel je pouvais travailler.

Michael, comment cela s’est-il passé quand vous avez fait entrer Gabriel au laboratoire pour qu’il participe à ce projet?

Ce qui m’a frappé chez Gabriel, c’est qu’il était un peu une perle rare, en ce sens qu’il est venu me voir et m’a dit : « J’ai vu ce sur quoi vous travaillez, et j’aimerais travailler avec vous sur ce sujet précis. » Je n’avais donné aucun cours à Gabriel au moment où nous nous sommes rencontrés. Il y avait beaucoup de synergie, entre ce que Gabriel recherchait et ce sur quoi je travaillais. J’étais heureux de l’accueillir comme étudiant dans mon laboratoire.

Quelles étaient les difficultés associées au travail dans le laboratoire?

Gabriel : Lorsqu’on ne voit que d’un œil, il est plus difficile de percevoir la profondeur. Dans des environnements comme les laboratoires, où les surfaces de travail, les récipients d’échantillons et les liquides sont tous incolores ou de couleur terne ― généralement dans les tons de blanc, de beige et de blanc cassé ― il est encore plus difficile de percevoir la profondeur puisqu’il n’y a pas de contraste entre les couleurs.

Michael : Il y a une raison pour laquelle les matières plastiques de laboratoire sont blanches ou incolores : ce sont habituellement les matières plastiques les plus pures qu’il est possible d’utiliser, et nous mesurons des éléments dont la concentration est presque imperceptible. Le moindre contact, le moindre grain de poussière peut compromettre nos mesures. Nous avons dû faire face à cette situation conflictuelle où les exigences du travail en laboratoire sont devenues un obstacle à l’accessibilité. Comment pouvons-nous maintenir le flux de travail tout en rendant le tout le plus accessible possible? Au départ, nous ne savions pas vraiment comment les difficultés se manifesteraient pour les tâches de laboratoire requises. C’était un peu une situation d’essai-erreur; Gabriel a commencé à effectuer une partie de ses tâches en laboratoire et nous nous sommes rendu compte que certaines, comme le pipetage, étaient difficiles. Cette tâche doit être faite avec beaucoup de précision; il faut prendre une pipette avec un petit volume de liquide et déplacer ce liquide d’un récipient à un autre. Pour Gabriel, il n’était pas facile de bien viser le deuxième récipient avec la pipette.

Michael, pouvez-vous expliquer le processus de création de la station de pipetage accessible?

Nous avons commencé avec des croquis papier que Gabriel a transformés en une image infographique, qui précisait les matériaux compatibles avec notre type de laboratoire et les caractéristiques que la station devait avoir. Nous avons présenté le concept à notre très compétente équipe des services techniques, ici à la Memorial University, et elle s’est montrée très réceptive. En très peu de temps, l’équipe a produit une station de pipetage très fonctionnelle, avec un bras pivotant pour guider l’utilisation des pipettes ainsi que des supports qui peuvent être remplacés pour convenir à une variété de formes et de tailles de pipettes. La station est aussi entièrement adaptable et pliable : Gabriel pouvait la démonter, la mettre dans un sac en plastique et la transporter partout où il devait aller. Il a visité le laboratoire d’un collègue, en Allemagne, et a pu apporter la station de pipetage dans ses bagages.

Gabriel, comment le déroulement de votre travail a-t-il changé?

Il est devenu beaucoup plus efficace! Même si l’utilisation de la pipette me prend un peu plus de temps que si je la manipulais librement, je suis quand même devenu plus efficace dans mon travail ; je renverse moins de substances, ce qui signifie moins de temps passé à nettoyer des liquides dangereux renversés. Le fait de renverser moins de liquides se traduit par des conditions de travail plus sûres et moins de pertes : plus de consommables disponibles pour d’autres personnes et moins de dépenses pour le laboratoire.

Michael, quels sont vos espoirs en ce qui concerne la station de pipetage?

L’une des motivations qui m’ont poussé à présenter la station sur mon blogue (en anglais seulement), lorsque nous avons surmonté cet obstacle pour Gabriel, c’était de la faire connaître. Si cette station peut aider quelqu’un d’autre à résoudre la même situation, ou une situation semblable, pourquoi ne pas faire connaître la façon dont nous avons surmonté cet obstacle? Si le fait de partager les détails de la conception de la station et notre expérience peut rendre le travail en laboratoire plus accessible pour d’autres personnes, j’en serais très heureux.

Gabriel, vous travaillez maintenant dans le domaine de l’exploration minière. Avez-vous rencontré des difficultés en matière d’accessibilité dans le cadre de vos fonctions actuelles?

Je ne pense pas avoir rencontré de problèmes majeurs, et je dirais qu’une bonne communication est essentielle. Je dois faire savoir à mes collègues, à mes partenaires sur le terrain et aux personnes qui supervisent mon travail quelles sont les limites de ce que je peux faire, de ce que je suis capable d’accomplir. Quand il y a des tâches que je ne suis pas à l’aise d’effectuer, par exemple, conduire un camion dans des conditions de faible luminosité, mes collègues sont compréhensifs et offrent de m’aider, de conduire à ma place dans ce cas! Dans l’ensemble, mon expérience a été excellente; je pense que tout se résume à une communication honnête et au fait d’être proactif pour ce qui est des tâches que je suis capable de réaliser.

Gabriel Sindol a reçu une bourse d’études supérieures du Canada au niveau de la maîtrise.

Michael Babechuk a reçu une subvention à la découverte du CRSNG. Consultez le site Web du Babechuk Research Group (en anglais seulement) pour en savoir plus sur ses travaux de recherche.

Cette entrevue a été condensée et révisée à des fins de clarté et de concision.

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